I
UN OFFICIER DE MARINE

Près d’une fenêtre, le contre-amiral sir Marcus Drew observait distraitement les embarras de la circulation. Comme toutes les hautes et larges ouvertures de la vaste pièce, celle-ci offrait un bon moyen de distinguer des simples passants les habitués qui tous les jours, à toutes les heures, venaient se presser dans les couloirs de l’Amirauté avec l’espoir d’obtenir un embarquement. C’étaient des officiers, jeunes et moins jeunes, dont les hauts faits avaient défrayé la chronique dans une Angleterre livrée à la guerre, à une époque où tous les espoirs du royaume reposaient sur eux. L’amiral consacrait la majeure partie de son temps à recevoir les candidats les plus opiniâtres ; les autres, il les faisait éconduire par ses subordonnés. Il considéra dans la rue les flaques laissées par la dernière averse, étendues de soie bleue, reflets du ciel d’avril : au-dessus de Londres, les nuages s’éloignaient.

C’était le printemps de 1792 ; l’année s’annonçait pleine d’incertitudes et grosse de dangers venus d’outre-Manche. Ce qui n’empêchait pas les dames de sortir en robes légères aux vives couleurs, accompagnées de cavaliers insouciants vêtus à la dernière mode.

Deux ans plus tôt, l’annonce d’une sanglante révolution en France avait balayé Londres comme une bordée de boulets de gros calibre ; beaucoup avaient redouté les effets de la contagion. Mais l’horreur des foules sanguinaires et des massacres à la guillotine n’avaient pas franchi le pas de Calais. Comme il était naturel, d’autres sujets de Sa Majesté, plus perfides, s’étaient réjouis au spectacle de leur vieil ennemi presque terrassé par les revers de l’Histoire.

L’Angleterre, faisant litière des lois de la guerre, aurait peut-être dû profiter de l’occasion pour attaquer les Français occupés à s’entre-déchirer… Le projet n’avait pas été sérieusement étudié.

Drew se détourna de la fenêtre ; cette journée, le dîner à Saint-James qui allait suivre, la partie de whist enfin, tout cela ne lui disait rien de bon.

Depuis bientôt dix ans, depuis la fin de la révolution américaine, la flotte anglaise pourrissait dans des vasières et des arrière-ports. Leurs Seigneuries de l’Amirauté se berçaient d’illusions si elles croyaient pouvoir redonner rapidement à la Marine son lustre et sa puissance d’autrefois. Des milliers de marins et de fusiliers marins avaient été démobilisés sans autre forme de procès. Beaucoup avaient fait le sacrifice de leur vie, davantage encore se retrouvaient mutilés pour avoir servi le roi, mais la nation n’avait plus besoin d’eux. Même les officiers devaient se contenter d’une demi-solde – dans le meilleur des cas. Certains s’étaient résignés à naviguer au commerce, qui avaient voulu reprendre la mer à tout prix, car c’était la vie qu’ils avaient choisie.

Le contre-amiral Drew, lui, n’était pas fâché de son sort. Il s’était même débrouillé pour faire expédier aux Antilles, en mission de longue durée, un fringant capitaine de corvette dont la très gracieuse épouse n’aurait aucune faveur à lui refuser en l’absence du légitime époux.

Son regard fut arrêté par le tableau monumental, sur le mur en face de lui. Le Burford soixante-dix canons, navire amiral de l’escadre placée sous les ordres de l’amiral Vernon ; petit pavois au vent, il était engagé dans un échange d’artillerie rapproché avec un fort espagnol de Porto Bello, le Château de Fer. Voilà bien la vision romanesque que le commun des terriens se faisait d’un combat naval ! On ne montrait ni le sang, ni l’horreur des amputations ; seulement une bataille grandiose.

Drew s’autorisa un mince sourire. La bataille de Vernon datait déjà d’un demi-siècle, mais les navires n’avaient guère changé depuis. Non, tout bien pesé, son poste à l’Amirauté valait bien tous les embarquements. Ici, à Londres, il pouvait jouir de sa maîtresse et de son élégant hôtel particulier ; le dimanche, naturellement, il ne manquait pas d’aller s’afficher avec femme et enfants sur le banc réservé à sa famille, dans l’église de sa propriété campagnarde du Hampshire.

Il retourna sans entrain s’asseoir à son bureau ouvragé ; ses papiers étaient en ordre. Son secrétaire particulier veillait à tout ; il était également chargé d’interrompre les entretiens au bout d’un délai convenu à l’avance, car les postulants se succédaient sans interruption.

Les Français n’allaient pas tarder à déclarer la guerre, mais cette brève pause au lendemain de la Terreur était certes la bienvenue ; comme d’habitude, l’Angleterre n’était pas prête : il lui fallait des navires et des hommes, toujours plus de navires et d’hommes.

Sur le dessus de la pile, un dossier éreinté par de fréquentes manipulations était marqué du nom de Richard Bolitho, Esquire ; Drew aurait volontiers cédé pour la journée ses fonctions à un autre. Richard Bolitho s’était distingué pendant la guerre d’indépendance américaine ; plus chanceux que tant de ses pairs, il avait obtenu ensuite deux commandements prestigieux, dont celui de la frégate Tempest dans les mers du Sud. Sa bataille finale contre le Narval et ses goélettes d’escorte était désormais légendaire. Suite au soulèvement de son équipage, le Narval, une frégate française, était tombé aux mains du célèbre pirate Tuke. La mutinerie de la Bounty, puis les horribles nouvelles de Paris, avaient donné à Tuke la maîtrise de ces îles peu défendues. C’était grâce au navire de Bolitho, et à lui seul, que le pirate s’était vu interdire la mainmise sur la riche route commerciale des Indes.

A présent Bolitho était là ; cela faisait plusieurs semaines qu’il passait chaque jour à l’Amirauté. Comme la plupart des officiers de marine, Drew le connaissait bien : d’illustres ancêtres en Cornouailles, la souillure qui avait coûté si cher à sa famille. Hugh, l’unique frère, avait déserté la Marine après avoir tué en duel un officier, ensuite de quoi il était parti chercher fortune en Amérique ; pire, en sa qualité d’officier de marine, il avait obtenu le commandement d’une frégate capturée par les révolutionnaires. Courage ni honneur ne suffiraient jamais à effacer cette faute, mais la dette avait été payée, capital et intérêt, songea Drew en feuilletant le dossier. Bolitho avait été grièvement blessé, laissé pour mort, puis, après sa bataille contre le Narval de Tuke, il avait été victime des fièvres ; une longue convalescence ; deux ans, à en croire les bruits qui couraient dans les élégants salons de Saint-James, deux ans à côtoyer la mort.

Leurs Seigneuries devaient avoir leurs raisons pour le rétrograder de la sorte, se dit l’amiral. S’il lui restait encore un peu d’ambition, Bolitho ferait peut-être mieux de décliner ce commandement et de tous les envoyer au diable.

Le regard de Drew se durcit ; il se rappela soudain une rumeur concernant une liaison qu’aurait eue Bolitho avec la ravissante épouse d’un haut fonctionnaire. Celle-ci était morte d’épuisement et de fièvre au cours d’une traversée désespérée dans une embarcation non pontée. Drew rabattit son sous-main de cuir sur le dossier : La ravissante épouse d’un haut fonctionnaire… Voilà qui allait le changer des visages ternes et sérieux qui se succédaient de l’autre côté de cette table, de tous ces hommes qui, la main sur le cœur, protestaient de leur attachement au roi ou à leur devoir, selon ce qui leur passait par la tête ; il saisit une clochette de laiton et l’agita avec impatience. Passons… Si la France entrait en guerre sans le cadre de la monarchie pour la guider, peut-être n’aurait-on que faire des héros de naguère. Les espions de l’Amirauté en place à Paris avaient signalé que des familles entières de prétendus nobles étaient traînées dans les rues jusqu’à la guillotine ; on n’épargnait même pas les enfants.

Drew songea à la paix qui régnait dans sa propriété du Hampshire et réprima un frisson : rien de tel ne pouvait arriver ici, c’était tout bonnement impensable.

Le secrétaire ouvrit la porte, baissant les yeux comme un acteur consciencieux :

— Le capitaine de frégate Richard Bolitho, sir Marcus !

Sans un mot, Drew désigna à l’arrivant le fauteuil en face de son bureau. Depuis ses premiers galons d’officier supérieur, il s’était appliqué à se montrer impassible, tout en observant avec perspicacité les moindres réactions de ses interlocuteurs.

Richard Bolitho n’accusait pas ses trente-cinq ans. De haute taille, mince, il portait avec élégance son uniforme à revers blancs et galons dorés – un soupçon trop grand pour lui, remarqua Drew. Bolitho prit place dans le fauteuil avec une nonchalance étudiée, mais il était tendu, ce qui n’échappa point à l’amiral. Un grand rayon de soleil qui prenait la pièce en diagonale éclairait son visage et sa chevelure, dont une mèche rebelle descendait sur l’œil droit et cachait une longue balafre : jeune lieutenant, il avait été blessé lors d’une escarmouche pendant qu’il faisait aiguade sur une île. Sa chevelure était aussi noire que l’aile du corbeau, le regard de ses yeux gris perçant et attentif ; leur couleur rappelait à Drew les eaux calmes de l’Atlantique par temps couvert.

L’amiral alla droit au but :

— Ravi de vous voir, Bolitho. Pour toute l’Angleterre, vous êtes un héros. Une sorte d’énigme, aussi.

Les yeux gris ne cillèrent point. Drew ne s’était pas attendu à ce mutisme. Il en conçut quelque agacement : à présent c’était lui, et non Bolitho, qui se trouvait sur la défensive. C’était pourtant bien Bolitho qui réclamait un navire, n’importe quel navire ! L’amiral reprit :

— Etes-vous à présent complètement rétabli ?

— Bien suffisamment, sir Marcus.

Drew se détendit. Il avait repris la situation en main. Son interlocuteur avait beau afficher une impassible gravité, il n’avait pu cacher un instant d’inquiétude.

— Je ne vous apprendrai rien, Bolitho, en vous disant que nous avons des commandants à n’en savoir que faire, et que nous manquons cruellement de navires. Bien sûr, il y a les transports et les navires de service de la flotte, mais…

Un éclair traversa le regard de Bolitho :

— Je suis commandant d’une frégate, sir Marcus…

L’amiral l’interrompit d’un geste qui déploya en éventail les fronces brodées de ses manchettes. Il corrigea :

— Vous étiez commandant d’une frégate, Bolitho.

La remarque avait fait mouche. Les joues maigres de l’officier se creusèrent un peu plus. Allez savoir s’il était vraiment débarrassé de ses fièvres… L’amiral se montra apaisant :

— Oh ! vos états de service sont irréprochables.

Bolitho étreignit la poignée de son vieux sabre à s’en faire blanchir les phalanges. Puis, se penchant au-dessus du bureau :

— Je suis rétabli, sir Marcus. Par le ciel, quand on m’a introduit dans ce bureau, je pensais…

Drew se leva d’un bond et fit quelques pas vers la fenêtre. Tout sentiment de victoire l’avait quitté, et il n’était plus du tout sûr de dominer la conversation. En quelque sorte, il avait honte.

— Il nous faut des hommes, Bolitho, des hommes de mer. Capables de prendre un ris, de tenir la barre et de se battre si nécessaire.

Comme il se tournait, il surprit le regard que Bolitho posait sur sa vieille épée. Une autre histoire, songea-t-il. L’arme était dans la famille depuis des générations ; on l’avait d’abord destinée au frère aîné, dont la trahison et la disgrâce avaient tué leur père aussi sûrement qu’une balle de pistolet.

— Vous êtes nommé dans le Nore, à la tête d’une flottille comportant plusieurs petites unités.

L’amiral eut un geste vague :

— La région est infestée de déserteurs qui préfèrent la contrebande à une carrière dans la marine. C’est plus lucratif. Certains se sont même jetés dans les bras de la Compagnie des Indes Orientales, quoique…

— La Compagnie, coupa froidement Bolitho, a la réputation de traiter ses marins comme des êtres humains, sir Marcus, à la différence de notre marine de guerre.

Drew pivota sur ses talons :

— C’est tout ce que je puis vous offrir. De l’avis de Leurs Seigneuries, vous convenez pour ce poste. Néanmoins…

Bolitho se leva, appuyant fermement son épée contre sa hanche :

— Pardonnez-moi, sir Marcus, ce n’est pas de vous que vient cette décision.

Drew déglutissait avec effort.

— Je vois que nous nous comprenons parfaitement.

Et essayant de changer de sujet :

— Bien entendu, aucun membre de l’équipage du Tempest ne vous suivra. Votre ancienne frégate est rentrée au pays longtemps avant vous. Maintenant, elle fait partie de la flotte de la Manche. Avant le Tempest, vous commandiez l’Unicorn, non ?

Bolitho voulait conserver son calme à tout prix ; il lança à l’amiral un regard désespéré :

— L’Undine, Monsieur.

— Bref, de toute façon…

L’entretien tirait à sa fin.

— Je me contenterai de mon patron d’embarcation, exigea tranquillement Bolitho.

Du coin de l’œil, Drew vit que l’une des poignées dorées de la porte commençait à pivoter : son secrétaire était ponctuel.

— A l’époque, ajouta Bolitho, ce navire, mon navire, était seul sur tout l’océan pour représenter la marine de Sa Majesté, combattre et détruire Tuke. Ces faits sont entrés dans l’histoire. Et à ce titre, on les a peut-être complètement oubliés.

Se détournant, il parut s’absorber dans l’observation de la grande marine accrochée au mur. Il devait entendre le tonnerre de la bataille, souffrir de l’incendie qui ravageait le navire.

— Ce jour-là, poursuivit-il, je suis tombé : c’est alors que la fièvre m’a frappé.

Il fit face à Drew avec un pâle sourire :

— C’est mon patron d’embarcation qui a tué Tuke de ses mains. Dans une certaine mesure, c’est lui qui a sauvé ces îles…

Drew lui tendit la main :

— Bonne chance. Mon secrétaire va rédiger vos ordres. Patience : bientôt l’Angleterre aura besoin de tous ses marins…

L’amiral s’interrompit, agacé :

— Quelque chose vous amuse, Monsieur ?

Bolitho prit son bicorne des mains de l’obséquieux secrétaire :

— Je repensais à feu mon père… Le capitaine James, comme tout le monde l’appelait. Je l’entends encore prononcer des mots très proches de ceux que vous venez de m’adresser à l’instant.

— Tiens donc ! Quand était-ce ?

La question surprit Bolitho, qui ne songeait déjà qu’à son prochain commandement :

— Avant que nous ne perdions l’Amérique, Monsieur.

Drew considéra la porte refermée, d’abord furieux, puis simplement avec mauvaise humeur. Enfin il sourit. C’était vrai, après tout. L’homme et le héros ne faisaient qu’un.

 

Le commandant Richard Bolitho s’éveilla en sursaut, surpris de constater qu’il s’était assoupi tandis que la voiture, laborieusement, se frayait un passage dans les ornières défoncées.

Il apercevait par la fenêtre tout un camaïeu de verts : les feuilles des arbres et des taillis luisaient encore, lourdes de la dernière averse. C’était le printemps sur le Kent, le jardin de l’Angleterre – un printemps particulièrement tardif, cette année.

Il regarda son compagnon de route assis en face de lui, avachi sur son siège dans une position bizarre : Bryan Ferguson, son valet. Plus qu’aucun autre, c’était lui qui régentait la vie et les affaires de sa maison et de sa propriété de Falmouth. La bataille navale des Saintes l’avait laissé manchot. Comme Allday, il avait été racolé pour se joindre à l’équipage de la Phalarope ; depuis, les circonstances de la vie ne les avaient plus séparés. Une alliance indestructible, se dit Bolitho avec un léger sourire. Ferguson avait l’habitude de cacher son infirmité sous une vaste cape de couleur verte : à première vue, nul ne se serait douté qu’il avait perdu le bras gauche. Dans sa botte entrouverte, Bolitho aperçut l’éclat du laiton : un pistolet d’arçon. Ferguson était armé. « On ne sait jamais », avait dit le valet à son maître, comme pour s’excuser.

Il est vrai que les routes du Kent étaient désertes, peut-être même trop peu fréquentées pour attirer des bandits de grand chemin et autres vauriens.

Bolitho s’étira longuement, tous ses os lui faisaient mal ; il ne cessait de redouter un retour de fièvre, en dépit des assurances prodiguées par tous les chirurgiens. Il se remémorait le long relâche qu’il lui avait fallu endurer avant de recouvrer santé et soif de vivre. Des visages émergeaient de sa mémoire embrumée : sa sœur Nancy, et même son prétentieux beau-frère, le châtelain, le roi de Cornouailles, comme on le surnommait dans la région. Et puis la femme de Ferguson, la gouvernante de cette maison grise où, à l’ombre du château de Pendennis, étaient nées tant de générations de Bolitho. Tous avaient pris la mer. Certains n’étaient jamais revenus.

Et puis, plus présent dans sa mémoire que tous les autres, il y avait Allday, son patron d’embarcation. Cet homme qui semblait ne jamais s’accorder de repos, il l’avait toujours trouvé à ses côtés, fidèlement présent dans sa lutte contre les fièvres, toujours disposé à lui procurer ce dont il avait besoin, toujours supportant avec patience les crises de rage hystérique qui, soupçonnait-il, avaient émaillé son délire.

Allday ! Un chêne, un roc ! Dix ans qu’ils vivaient côte à côte. Depuis que les racoleurs de Cornouailles le lui avaient amené à bord. Il avait beau être devenu un marin hors pair, il avait su conserver son franc-parler, et ces deux qualités le rendaient aussi précieux à Bolitho que l’ancre de miséricorde à bord d’un navire en détresse. Un ami, oui. Et encore, le terme était faible.

Allday était en grande conversation avec le vieux Matthew Corker, le cocher. A l’occasion, se mêlait à leurs échanges la voix flûtée d’un autre Matthew, le jeune, qui se tenait sur son perchoir à l’arrière. Le garçon n’avait que quatorze ans, c’était le petit-fils du cocher, la prunelle de ses yeux, le bébé qu’il avait élevé, une fois le père disparu en mer à bord d’une des célèbres malles de Falmouth. Le vieux Matthew avait toujours espéré voir l’enfant suivre les traces de son père. Le cocher avançait en âge ; Bolitho l’avait vu se tromper de route plus d’une fois au long de cet interminable trajet depuis Falmouth. Le bonhomme était familier des petits ports et villages de la région, mais il connaissait mal la route de Londres. A chaque relais, ils avaient changé de chevaux et pris avec eux un nouveau palefrenier ; le père Matthew se demandait quand il pourrait enfin descendre de son siège.

C’était Bolitho qui avait eu l’idée de faire le trajet en voiture ; il redoutait de tomber malade en cours de route et ne supportait pas l’idée d’un retour des fièvres dans une diligence encombrée. Sa voiture n’était plus toute jeune, c’est son père qui l’avait fait construire. Mais la suspension était souple : les mouvements du véhicule sur ces routes défoncées rappelaient ceux d’un bateau. La voiture, peinte en vert sombre, arborait sur chaque porte les armes des Bolitho, ainsi que la devise familiale : Pour la liberté de mon pays, en lettres d’or sur parchemin sculpté.

Il songea vaguement à cette devise, tandis que les bois et les champs se succédaient de chaque côté de la route. Il avait en poche ses ordres écrits, rédigés dans ce langage sec qui lui était si familier.

« Ordre lui est donné de se transporter dans le Nore… » Il connaissait déjà la Medway, ce fleuve majestueux, et les petites villes qui en animaient les rives de kilomètre en kilomètre, de l’arsenal de Chatham jusqu’à l’embouchure.

Quelles allaient être ses responsabilités ? Pour autant qu’il pût s’en faire une idée, il allait être placé sous l’autorité directe du commodore Ralph Hoblyn. Un nom qui ne lui était pas inconnu : cet officier s’était distingué en Amérique avant de recevoir une mauvaise blessure pendant la bataille de la Chesapeake en 1781. Encore un laissé-pour-compte…

Ferguson bâilla longuement. Il s’ébroua, puis demanda :

— Plus très loin de Rochester, Monsieur ?

Bolitho tira sa montre de son haut-de-chausses et l’ouvrit en serrant les mâchoires. Viola Raymond : c’est elle qui la lui avait offerte. En remplacement de celle qu’il avait perdue au cours d’une bataille. Viola dont le souvenir s’était présenté des milliers de fois à ses pensées, Viola dont il croyait parfois entendre encore le joli rire cristallin, voir briller les yeux à l’une de ses remarques. Chère, adorable Viola. Parfois, la nuit, s’éveillant tout en sueur, il l’appelait à grands cris : elle s’échappait de ses bras, comme cet horrible jour, à bord du canot. Alors l’étreignait à nouveau le désespoir de cette traversée sous le soleil infernal, quand souffrances et privations poussaient ses hommes aux confins de la folie. Viola avait partagé toutes leurs misères, elle les avait tous portés à bout de bras. La dame du commandant, comme ils disaient. Un moment, elle avait même endossé sa veste d’uniforme, amenant de tristes sourires sur les visages ravagés aux lèvres gercées.

Enfin, le dernier jour, alors que Bolitho savait déjà qu’ils avaient retrouvé le Tempest, elle était morte sans un murmure. Avait suivi une scène atroce qu’il revoyait avec une netteté impitoyable : Allday soulevant le frêle cadavre, frappant une élingue autour de sa taille fine, laissant Viola glisser dans la mer, lestée d’une ancre. Cette peau blanche dans l’eau sombre, la mince silhouette qui s’estompait dans les profondeurs… Si Allday n’avait pas été là, Bolitho serait devenu fou ; aujourd’hui encore, l’épisode lui arrachait des larmes.

Il observa la montre dans sa paume, l’inscription gravée qu’il connaissait par cœur :

 

Conquise, je gis sur ma couche, seule.

Une fois déjà, en rêve, tu m’as rejointe

Mais t’avoir vraiment, et pour longtemps !

 

— Dans un moment, nous allons voir la Medway.

Quelque chose dans la lassitude de sa voix mit Ferguson mal à l’aise. Le beau visage ténébreux de Bolitho rayonnait toujours d’intelligence, ses yeux si expressifs pouvaient tour à tour briller de gaieté et soudain s’attendrir ; mais un ressort était cassé, peut-être à jamais.

Le cocher lança un ordre au palefrenier à l’avant, et la voiture, lentement, s’arrêta ; ils étaient arrivés au pied d’une petite montée.

Le vieux Matthew répugnait à se faire précéder par un palefrenier ; il était au service des Bolitho depuis l’âge de dix-huit ans et savait parfaitement mener un équipage de quatre, voire six chevaux à lui seul. Mais Falmouth était encore loin, et le relais où il avait laissé ses deux paires de chevaux bais – on chuchotait qu’il les chérissait plus que sa propre épouse.

Bolitho entendit Allday grogner :

— Pas ici, mon vieux. Je n’aime pas la façon dont ce gars-là nous regarde.

La voiture s’ébranla derechef ; les chevaux enfonçaient dans la fange et secouaient leurs harnais comme les clochettes d’un traîneau.

Bolitho baissa sa vitre et comprit ce qui faisait bougonner son patron d’embarcation. C’était un triste carrefour, un endroit désert que se partageaient une pierre portant l’inscription : Londres, trente milles, et un gibet grinçant auquel se balançait un pendu aux yeux caves, vêtu de haillons.

Comment croire que ce cadavre noirci avait un jour vécu et aimé comme les autres hommes ? Un criminel de droit commun, peut-être un simple voleur, à qui avait été refusé jusqu’à l’honneur d’une sépulture.

Bolitho descendit de voiture et se mit à frapper des pieds pour se dégourdir les jambes. On sentait l’air marin. Derrière un rideau d’arbres, il aperçut un vaste méandre du fleuve, surface plate et sans vie, pareille à une plaque d’étain.

A travers la boucaille, on distinguait la ville de Rochester et sur la berge, les ruines d’antiques fortifications. L’agglomération, comme tant d’autres dans cette partie du Kent, vivait de la marine, de ses grands chantiers navals et des longues jetées qui permettaient l’avitaillement des navires. En temps de guerre, les gens de la ville s’enfermaient chez eux à double tour dès le crépuscule, par crainte des groupes de racoleurs qui restaient maîtres de la rue. On commençait par passer au peigne fin auberges et pensions, à la recherche de vrais marins ; mais les batailles moissonnaient les jeunes vies par centaines, et comme l’Amirauté armait sans cesse de nouvelles escadres, les racoleurs devaient faire gibier de tout poil : laboureurs et garçonnets, tailleurs et bourreliers, personne n’était à l’abri.

Plus d’un navire prenait la mer alors qu’au sein de son équipage, deux hommes sur trois n’avaient jamais quitté le plancher des vaches. Battus, menacés, harcelés par les garcettes des seconds maîtres, ils étaient à dure école. Beaucoup étaient blessés ou tués avant le premier engagement avec l’ennemi. L’un tombait d’une vergue dans un grain ; celui-là se fracassait les côtes contre un canon tandis qu’une vague rugissante balayait le pont d’un bord à l’autre ; on pouvait soudainement disparaître par-dessus bord, sans un cri, sans même un témoin pour vous voir.

A présent que les sombres nuages de la guerre s’accumulaient au-dessus de la Manche, les racoleurs étaient de nouveau en maraude : pour le moment, ils étaient à la recherche de déserteurs ou de matelots laissés à terre. Chacun haïssait les racoleurs, mais l’État ne pouvait se passer de leurs services : l’Angleterre avait besoin d’une flotte, cette flotte avait besoin d’hommes. Depuis un siècle, les choses n’avaient pas changé.

Bolitho leva la tête ; un pâle rayon de soleil lui caressa la joue. Seul maître à bord… Rêve autrefois inaccessible, tant est longue la distance entre le carré des officiers et la solitude de la grande cabine. Et il n’était pas facile, pour qui avait eu la charge de commandant, d’accepter de l’avoir perdue.

Sa nouvelle mission le plaçait à la tête de trois cotres à hunier, fins voiliers rapides et maniables utilisés notamment par les garde-côtes. L’un des navires était encore en cale sèche, et à bord des deux autres, on attendait sans doute son arrivée avec une curiosité malveillante : les hommes devaient se demander ce qu’un officier supérieur venait faire dans leur petit monde.

Bolitho, à la recherche du moindre indice permettant de rendre cette nouvelle mission supportable, s’était appliqué à dépouiller tous les rapports disponibles. A l’évidence, le sud-est de l’Angleterre, et l’île de Thanet en particulier, était un véritable panier de crabes. Les garde-côtes pourchassaient les contrebandiers, les racoleurs traquaient les déserteurs et les futures recrues. Mieux armés et équipés que leurs adversaires, les contrebandiers avaient la partie belle.

Bolitho, remontant en voiture, croisa le regard d’Allday, dont la natte dépassait au-dessus du col bleu de sa veste de patron d’embarcation :

— Nous y revoilà, Commandant. Ce n’est peut-être pas une frégate, mais ça flotte. Et sur l’eau, on est chez nous.

— Tu as raison, vieux frère.

Allday s’assit et regarda les chevaux s’arc-bouter pour repartir.

Il vit Bolitho serrer les mâchoires : comme quand les bordées ennemies balayaient les ponts du navire et que ses hommes tombaient à ses côtés, ou comme le jour où il avait finalement accepté la disparition de sa dame, emportée à des centaines de brasses de profondeur, vers un repos qu’il n’avait jamais pu lui offrir. Il avait eu aussi cette expression quand les fièvres avaient relâché leur étreinte et qu’il s’était mis à faire quelques pas devant la vieille demeure grise. Des pas timides, d’abord ; et puis ils avaient poussé ensemble un peu plus loin, toujours plus loin, jusqu’au jour où Bolitho l’avait renvoyé, le priant de lui laisser accomplir sans aide le reste du trajet. Une fois, il était tombé en arrêt devant le promontoire sur lequel la mer brisait sans relâche. Allday entendait encore son cri, sa voix cassée :

— Elle l’aurait aimé, cet endroit, vieux frère !

C’est ensemble qu’ils l’avaient gagnée, cette bataille, la plus dure à laquelle Allday eût jamais participé !

A présent Bolitho était rétabli. Malheur à qui chercherait noise à son commandant ! Allday effleura le lourd sabre d’abordage rangé sous son siège. « Celui-là, sûr qu’il devra d’abord me passer sur le corps. »

 

Ils n’avaient pas encore atteint les faubourgs de Rochester qu’un incident les arrêta.

La voiture dévalait à bonne allure une petite descente ; Bolitho, des papiers sur les genoux, s’absorbait dans la lecture de ses ordres. Soudain, Allday s’exclama :

— Sur la route, morbleu ! On dirait une émeute ! Mieux vaudrait tourner bride, père Matthew !

Le cocher cria un ordre au palefrenier et Bolitho crut entendre Allday fouiller dans un coffre à la recherche d’une arme chargée.

— Halte !

Bolitho ouvrit la portière et se leva, agrippé à la main courante sur le toit. La voiture était presque en travers de la route ; les chevaux fumants encensaient, énervés par la rumeur confuse des voix excitées.

Bolitho sortit de son manteau une lorgnette pour observer la scène. Dans la foule houleuse qui s’avançait à leur rencontre, quelques hommes brandissaient des piques et des bâtons, d’autres riaient et buvaient à la bouteille. Deux d’entre eux étaient montés. On n’y voyait pas une seule femme.

Allday posa à plat sur le toit un court tromblon et le couvrit de la pièce de tissu qui protégeait son siège.

— Je n’aime pas ça, Commandant, déclara-t-il sèchement. Ça m’a tout l’air d’un lynchage.

Ferguson arma son petit pistolet et renchérit :

— C’est bien mon avis, Monsieur. Nous ferions mieux de nous retirer. Ils sont une bonne centaine.

Il n’avait pas peur ; depuis les Saintes, il savait garder son sang-froid. Mais il prenait le danger au sérieux.

Bolitho ajusta posément sa lorgnette – opération facile, dans une voiture à l’arrêt. Au milieu de la foule vociférante, il identifia deux silhouettes, la corde au cou ; traînés, bousculés, les mains ligotées, ces hommes s’écorchaient les pieds aux cailloux du chemin. L’un d’eux était torse nu, l’autre portait une chemise déchirée.

— L’un des deux cavaliers m’a l’air bien mis, Commandant.

Ce détail n’avait pas échappé à Bolitho ; il avait repéré cet individu puissant, barbu, qui portait un chapeau élégant et un manteau doublé d’écarlate. Tout indiquait qu’il excitait les émeutiers, mais à cette distance, sa harangue était inaudible.

— Peut-être des voleurs qu’ils ont pris la main dans le sac, Commandant, hasarda Allday.

Il se tourna vers la colline, comme pour tenter d’apercevoir le gibet et le squelette en guenilles.

— En route ! ordonna sèchement Bolitho.

Il toisa Allday, dont l’inquiétude était évidente :

— Des voleurs ? Des voleurs avec des hauts-de-chausses d’officiers de marine ?

— Mais, Commandant… protesta Ferguson. Peut-être que cela n’a rien à voir !

— Quand tu voudras ! lança Bolitho avec un regard appuyé au père Matthew.

La voiture s’ébranla. En dépit du bruit des sabots et des grincements de la suspension, Bolitho commençait à entendre la rumeur des voix furieuses ; ils avançaient droit à la rencontre de la procession.

— Oooh ! lança le père Matthew d’une voix chargée de colère. Restez à bonne distance de mes chevaux, bande de vauriens !

Et la voiture s’immobilisa. Bolitho descendit. Aussitôt le silence retomba. Tous le regardaient, certains congestionnés par l’ivresse ; quelques-uns eurent un haut-le-corps, comme s’ils avaient aperçu le diable en personne.

Il savait que Ferguson le suivait des yeux de son poste, près de la fenêtre, tenant son pistolet hors de vue de la foule. Allday, sur le toit, se ramassait déjà pour sauter. En aurait-il le temps ? Ce fut le jeune Matthew qui rompit le charme : pour aider à calmer les chevaux de tête, il surgit de derrière la voiture. Pour lui, c’était comme si la foule n’existait pas.

Le cavalier barbu éperonna sa monture pour fendre le groupe.

— Tiens, tiens ! Qu’est-ce qui nous arrive ? Mazette ! Un officier du roi !

Il fit mine de s’incliner sur son arçon.

— En route pour prendre le commandement de quelque joli navire à Chatham, je parie ! Pour bien nous protéger des Français, hein, les gars ?

Quelques-uns s’esclaffèrent, mais la plupart observaient Bolitho avec attention, comme flairant un piège.

— Et vous, qui êtes-vous ? coupa Bolitho. Je ne répéterai pas ma question, fit-il en posant la main sur la poignée de son sabre.

Le barbu observa la route derrière eux : peut-être s’attendait-il à voir surgir une escorte. Puis, avec un sourire insouciant, il répliqua :

— Je suis le shérif adjoint de Rochester, Commandant.

— Parfait. Nous savons tous deux à qui nous avons affaire.

A cet instant, un des captifs se laissa tomber à genoux, au bord de suffoquer. Quelqu’un tirait sauvagement sur son nœud coulant. Mais Bolitho n’avait entendu qu’un mot : « lieutenant ». Cela lui suffisait.

— Je vous conseille de relâcher ces deux hommes sur-le-champ. Ce sont des officiers de marine en service commandé.

A la façon dont certains déjà s’écartaient du groupe, comme pour se désolidariser de ce qui se passait, il vit que ses mots avaient porté.

— Maudits soient-ils, tonna le barbu, eux et leurs chiens de racoleurs !

Il se tourna et eut un rictus de satisfaction quand quelques-uns firent chorus. Une curée, songea Bolitho. Et il répéta :

— Détachez-les !

Il adressa un signe de tête au jeune Matthew :

— Vas-y, garçon.

Et au shérif adjoint il lança :

— Quant à vous, descendez de cheval. Tout de suite.

Le lieutenant torse nu, sévèrement marqué par un rude passage à tabac, se remit péniblement debout :

— Ils nous ont pris en embuscade, Commandant.

C’était à peine s’il pouvait parler. Son camarade, beaucoup plus jeune, était sans doute un aspirant. Au moindre signe de panique, les émeutiers allaient les submerger, les tailler en pièces.

Bolitho regarda le barbu descendre de cheval :

— Où sont leurs uniformes ?

L’homme dévisagea Bolitho et éclata d’un rire mauvais :

— Vous alors, on peut dire que vous ne manquez pas de culot, Commandant !

Puis, changeant brusquement de ton :

— Ils sont entrés en ville sans l’accord du maire. On allait leur donner une petite leçon.

Il tenta en vain de soutenir le regard de Bolitho, puis ajouta, confus :

— Une leçon qu’ils n’oublieront pas de si tôt !

Bolitho attendait :

— Leurs uniformes ?

L’homme se tourna vers l’autre cavalier :

— Dis-lui, Jack !

Mal à l’aise, l’autre se tortillait sur sa selle :

— On les a jetés dans une porcherie.

Plus personne ne riait, à présent.

Bolitho arracha son bicorne et le jeta dans la voiture :

— Ce sont des officiers du roi, Monsieur.

— Je le sais fichtre bien ! On allait juste leur donner…

— Vous alliez donc insulter le roi…

— Quoi ?

Sous son chapeau, l’homme écarquillait les yeux, hagard.

— Vous avez le choix. Dégainez donc cette belle lame avec laquelle vous faites le fier-à-bras.

Il effleura sur sa hanche la garde familière.

— Elle est faite pour ça, non ? Vous ne dites rien ? Pas un mot à l’adresse de tous ces héros ?

Un brouillard dansait devant ses yeux : les fièvres ? Non. C’était la même folie sanguinaire qu’il ressentait avant chaque bataille désespérée. D’abord, il avait voulu avoir cet homme à l’estomac ; à présent, il brûlait vraiment d’en découdre. Après des mois de désespoir et d’amertume, après des semaines passées à attendre et à plaider sa cause à l’Amirauté, il se sentait la proie d’une terrible violence.

— Soy… Soyez indulgent, Commandant.

La voix de l’homme n’était plus qu’un souffle. Bolitho le toisa avec mépris :

— Pas d’indulgence pour les lâches !

Il eut un coup d’œil en direction des deux victimes qui tremblaient encore. Les malheureux n’étaient pas passés loin de la corde :

— En voiture, Messieurs.

Puis, revenant au shérif adjoint :

— Votre épée.

Il la lui arracha. L’homme avait deux fois sa stature, mais il était paralysé, il tremblait comme une feuille. Les émeutiers pouvaient encore se déchaîner… Non, il les avait matés. La vue de son uniforme ? La conscience de leur ignominie ? Bolitho coinça la lame étincelante sous la caisse de la voiture et pesa dessus : l’acier céda comme une carotte. Il jeta le moignon aux pieds du barbu.

— Les lâches n’ont pas besoin d’une belle arme. Maintenant, décampez !

La foule qui se fendit sembla se dissoudre dans les champs, de chaque côté de la route. Bolitho se hissa sur le marchepied et adressa un signe de tête à son cocher :

— Il est brave, ton petit, Matthew !

Corker s’essuya le front avec un mouchoir rouge :

— Juste ciel, Commandant ! Vous m’avez fichu une de ces frousses !

Allday libéra en douceur le chien de son tromblon :

— Pour sûr, Commandant, vous ne vous êtes pas fait un ami.

— Bon Dieu, lui non plus !

Et il claqua la portière. La voiture prit de la vitesse. Bolitho croisa les bras et se tournant courtoisement vers les deux hommes qu’il venait de sauver :

— A présent, Messieurs, si vous le voulez bien, je vous écoute.

Tandis qu’ils parlaient, Bolitho gardait ses bras étroitement croisés pour empêcher ses mains de trembler. L’incident aurait pu mal tourner, mais il savait depuis le début, d’instinct, qu’en rase campagne il jouissait d’un avantage évident.

Dans la glace zébrée de pluie, il adressa un sourire à son reflet. Personne ne s’était attendu à une telle réaction de sa part. « Pas même moi », pensa-t-il.

Ferguson avait surpris ce sourire. Un moment plus tôt, il avait cru que tout était fini ; il comprenait à présent que pour Bolitho, les choses ne faisaient que commencer.

 

Toutes voiles dehors
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